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Succession d'Alain Delon : éclairage juridique et fiscal

Anthony Delon, l’aîné, a tué dans l’œuf, le nouveau feuilleton qui se profilait en fond de guerre d’héritage, en rappelant que le partage aurait déjà été réalisé : Anouchka devrait recueillir 50 % du patrimoine, tandis qu’Anthony et Alain-Fabien devraient se partager le reste.

Toutefois, les déclarations de l’aîné de la fratrie ne semblent pas suffire pour tarir les articles allant de conjectures en supputations sur les volontés répartitrices d’Alain Delon, avec parfois, des approximations juridiques et fiscales sur lesquelles nous entendons revenir.
 

A. Sur la répartition annoncée par Anthony Delon


Alain Delon aurait d’ores et déjà prévu la répartition de son patrimoine à son décès, Anouchka recueillant 50 %, et les deux frères 25 % chacun.
Quid de la conformité de ces quotités à la fameuse réserve héréditaire française ?



1)Examen au regard de la réserve héréditaire

Pour rappel, l’article 912 du Code civil dispose qu’en présence de trois enfants ou plus, la réserve héréditaire, à savoir la quote-part minimum devant revenir aux enfants, s’établit à 3/4, laissant donc 1/4 de disponible et dénommée à juste titre, quotité disponible.

Dans la situation de la famille Delon, cela signifie que chaque enfant devrait recevoir au minimum 25 % du patrimoine, et qu’un étranger ou un des trois enfants peut recevoir une part supplémentaire de 25 %.

Cela cadre donc parfaitement avec la répartition révélée par Anthony Delon.



2)Examen de l’instrument juridique utilisé

La révélation d’Anthony Delon ne nous permet cependant pas de déterminer avec certitude l’instrument juridique utilisé par Alain Delon pour atteindre la répartition ainsi révélée.
  1. La donation-partage ?
Si Anthony déclare fermement que « c’est acté, c’est terminé, c’est fini », l’inclination naturelle nous orienterait vers la donation-partage, en vertu de laquelle, le donateur règle de son vivant et par anticipation, sa succession, en allotissant dès le stade de la donation, ses héritiers.

L’intérêt principal de la donation-partage réside dans sa faculté à geler les valeurs au jour de la donation, afin de fidèlement respecter la volonté répartitrice du donateur.
Ce gel de valeur n’est en revanche possible que si tous les enfants participent à la donation-partage et y reçoivent un lot, et qu’aucune réserve d’usufruit ne soit stipulée sur une somme d’argent.

Sous le bénéfice de ces observations, au jour du décès, il ne sera plus nécessaire de refaire les comptes et d’opérer le rapport des éventuelles donations consenties du vivant.
Il restera à partager les biens qui n’auraient pas été donnés par la donation-partage.

Un exemple simple pour en saisir la portée : un père dispose d’un immeuble valant 100, d’un appartement valant 50 et d’un tableau valant 50 en 2023. Il décède en 2025, date à laquelle, l’immeuble vaut 500, l’appartement vaut 100 et le tableau 100. Il laisse trois enfants.

Sans donation-partage, les enfants se répartissent donc un patrimoine de 700 en trois parts égales.

Avec donation-partage réalisée en 2023, il aurait été possible d’attribuer l’immeuble valant 100 à l’enfant A, l’appartement valant 50 à l’enfant B, et le tableau valant 50 à l’enfant C ; le tout, en bénéficiant du gel des valeurs.
Dans cette hypothèse, l’enfant A aurait reçu 50 % du patrimoine, tandis que les enfants B et C auraient reçu 25 % chacun ; répartition rappelant celle révélée par Anthony Delon.  
Grâce au gel des valeurs à la date de la donation, il ne sera pas tenu compte de la prise de valeur de l’immeuble en 2025.

Nous comprenons donc qu’une donation-partage suppose d’avoir valorisé pour la réalisation de la donation, l’entièreté du patrimoine transmis.
Les déclarations d’Anthony Delon ne laissent pas présumer d’une telle anticipation, mais donnent davantage à penser que ces quotités seront appliquées au moment du décès.
  1. Le testament ou le testament-partage ?
Autre hypothèse à considérer : Alain Delon aurait rédigé un testament, soit olographe – c’est-à-dire écrit, daté et signé de sa main –, soit authentique – c’est-à-dire rédigé par-devant notaire, qui peut être simple ou à titre de partage.

Dans le cas d’un testament simple, il peut avoir indiqué les quotités dans lesquelles chacun des enfants sera gratifié, à charge pour eux de s’entendre sur la formation des lots, et donc sur l’attribution des biens pour remplir la quote-part de chacun.

Dans le cas d’un testament-partage, il s’agit, en plus d’indiquer les quotes-parts de chacun des enfants, de flécher les biens qui rempliront ces différentes quotes-parts.

Dans un cas comme dans l’autre, l’inconvénient principal du testament réside dans le fait qu’il a vocation à déployer ses effets au moment du décès.
Or, la situation patrimoniale existante au moment de la rédaction du testament peut avoir énormément évolué au jour du décès.

Plus particulièrement, le testament-partage présente le désavantage de fausser les prévisions du testateur qui a pu flécher tel bien en faveur de tel légataire compte tenu de sa valeur au jour de la rédaction du testament ; valeur qui a pu augmenter ou diminuer entre-temps.

Quant au testament simple, s’il est parfaitement envisageable dans la situation de la famille Delon, il reste qu’il est inopportun en termes de stratégies patrimoniales et d’optimisation fiscale, dès lors qu’un patrimoine relativement conséquent doit être transmis.

En effet, par l’application d’un testament opérant un legs universel ou à titre universel, le patrimoine est transmis en une seule fois aux légataires, qui ne bénéficieront donc des abattements prévus en ligne directe (100.000 euros par enfant) et du barème progressif des droits de mutation à titre gratuit en ligne directe (5 à 45 %), qu’une seule fois.

Or, en matière fiscale, ces dispositifs permettant de réduire les droits de succession et/ou de donation se réinitialisent tous les 15 ans, de sorte que, en présence d’un patrimoine d’une certaine valeur, il est conseillé de débuter les transmissions le plus tôt possible par le biais de donations.
  1. La combinaison d’une donation-partage et d’un testament ?
Compte tenu du patrimoine d’Alain Delon, il n’est pas impossible de combiner plusieurs instruments dans une stratégie transmissive.

Il est de notoriété publique que, Alain Delon a pu être à la tête d’entreprises à succès, de sorte que, une stratégie transmissive classique a pu être déployée et peut se résumer ainsi :

1°/ Donation-partage des éléments d’actifs les plus fortement valorisés, notamment des titres des entreprises avec application du « Pacte Dutreil » permettant une exonération de 75 % sur l’assiette taxable aux droits de donation ;

2°/ Réitération de donation-partage à la date de la réinitialisation des abattements et du barème progressif en ligne directe ;

3°/ Rédaction d’un testament pour les biens non encore transmis et qui risquent de ne pas l’être en raison du décès, en indiquant simplement les quotités respectives léguées à chaque enfant.

 

B. Sur la résidence fiscale Suisse


Il semblerait que le point d’achoppement se soit déplacé sur la résidence d’Alain Delon ; Anouchka souhaitant ramener son père en Suisse, où il y est contribuable depuis 1999, et les deux frères souhaitant respecter ce qui auraient été ses dernières volontés, à savoir mourir à Douchy en France.

En matière fiscale, la résidence fiscale constitue un critère essentiel pour déterminer le pays ayant le pouvoir d’appliquer ses droits de succession.

A l’évidence, si le contribuable a sa résidence fiscale en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts[1], la France est compétente pour appliquer ses droits de succession.

La question se pose donc dès lors qu’un bien, meuble ou immeuble, se situerait à l’étranger et serait compris dans la succession d’un résident fiscal français en vertu du principe d’unicité et d’universalité de la succession, ou dès lors que, en vertu du droit interne de deux ou plusieurs pays différents, une même personne serait reconnue en même temps résidente fiscale de l’ensemble de ces pays.

Pour ces situations, la France a conclu avec de nombreux pays, des conventions fiscales bilatérales à l’effet d’éviter le risque de double imposition en matière successorale.
Ces conventions déterminent donc le pays de taxation s’agissant d’une succession internationale, en distinguant chaque catégorie de biens.

Toutefois, la convention fiscale bilatérale conclue entre la France et la Suisse en date du 31 décembre 1953 a été dénoncée par la France en 2014, de sorte que, au 1er janvier 2015, le droit interne, tant de la France que de la Suisse, a vocation à régir ces situations délicates pouvant aboutir à une double imposition.

Dans ces circonstances, si Alain Delon n’était plus reconnu résident fiscal français au sens de l’article 4 B du code général des impôts, une distinction devrait être opérée :

1°/ Soit, le bénéficiaire de la succession est domicilié en France au jour du décès et l’a été pendant au moins six ans au cours des dix dernières années, et dans ce cas, tous les biens transmis, qu’ils soient situés en France ou hors de France, sont imposables en France au titre des droits de succession ;

2°/ Soit, le bénéficiaire de la succession n’est pas domicilié en France au jour du décès, OU il l’est mais ne l’a pas été pendant au moins six ans au cours des dix dernières années, et dans ce cas, seuls les biens situés en France font l’objet de droits de succession.


En filigrane, comprenons que l’enjeu de la résidence fiscale s’amenuise grandement pour la famille Delon puisque :

1°/ D’une part, les frères ayant leur résidence fiscale en France, paieront en toute hypothèse, des droits de succession en France, quand bien même leur père serait résident fiscal suisse ;

2°/ D’autre part, Anouchka ayant sa résidence fiscale en Suisse, paiera des droits de succession en France, à raison des biens situés en France.
           
La seule brèche ouverte se situe au niveau des biens hors de France devant revenir à Anouchka et sur lesquels, elle serait donc soumise aux droits de succession Suisse.

Or, une grande majorité des cantons suisses, pour ne pas dire la quasi-totalité, exonèrent de droits de succession, les enfants…

C. Résidence Suisse et risque de rejaillissement sur le règlement civil de la succession


Les développements afférents à la résidence fiscale suisse d’Alain Delon présentent tout de même le risque de rejaillir sur le traitement civil de la succession.

En effet, depuis le 17 août 2015, toute juridiction française qui serait saisie d’un litige successoral, est tenue de faire application du règlement européen successoral n° 650/2012 du 4 juillet 2012, en vertu duquel, la loi applicable à l’ensemble des aspects civils d’une succession est celle du pays dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès.

Si résidence fiscale et résidence habituelle ne sont pas toujours synonymes, il reste que les deux notions recoupent une réalité très proche.

Admettre la résidence fiscale suisse d’Alain Delon, c’est, toute proportion gardée, désigner en vertu du règlement européen successoral, la loi suisse comme étant compétente pour régler les conséquences civiles de cette succession, si un juge français venait à être saisi de ce dossier.

Evidemment, cette désignation par le juge français de la loi suisse peut être contrecarrée par ce que l’on appelle une « professio juris », c’est-à-dire, un choix de loi différente en faveur de la loi de la nationalité de l’intéressé, à savoir la loi française pour Alain Delon.
Ce choix de loi se fait notamment à l’occasion d’une donation ou dans un testament.


En conclusion, ces développements, bien qu’éminemment conjecturaux, auront au moins le double mérite de mettre au jour, d’une part, l’impossibilité de traiter exhaustivement un dossier sans en connaître réellement le contenu, et d’autre part, la remarquable complexité d’une matière qui fascine autant qu’elle repousse : le droit des successions dans toute sa splendeur.
 
[1] Critères principaux de résidence fiscale en France : 1°/ Lieu de foyer ou de séjour principal en France ; 2°/ Exercice d’une activité professionnelle en France ; 3°/ Centre des intérêts économiques situé en France.


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